« Parait qu’si l’Amoco Cadiz / N’avait cuvé que du pastis / Les mouettes se s’raient marrées / Enfin, à c’qui paraît. » Vitesse de croisière, un album tous les cinq à six ans (La ballade de Jean-Guy Douceur remonte à 2009), le septième que voici, Le silence du fleuve. À terme échu, arrivé à bon port, une bordée de chansons, ration de bonheur. C’est dans ces derniers jours de l’année que nous est offert un des plus beaux albums du millésime, un qui nous persuade que la production fut décidément belle, qu’il ne faut pas désespérer. C’est un Boutet, pas une boutade. À nouveau douze chansons en balade, le long d’un fleuve, à Barcelone, en Italie, des mots et des pavés liés à l’élégant mortier de l’émotion. « Les noyés font ce qu’ils peuvent / Ils se jettent à l’eau / Ils offrent aux dieux pour qu’il pleuve / Leur dernier sanglot / Les restes de leurs amours veuves / Leur cœur en lambeaux / Et le silence du fleuve / A le dernier mot. »
Boutet, c’est un bouquet de mélancolies, de couleurs, de sonorités et de matières différentes. Du soyeux, du granuleux. Du passé, du présent. De l’individuel, du collectif. Des chansons douces, très musicales, qui charrient les souvenirs, soupèsent les épreuves, les séparations : « Si tu l’aimes, faut pas la noyer / Ell’ veut plus être ta moitié / Si tu l’aimes, c’est toute entière / De sa source à la haute mer. » C’est dans ce registre de la rupture que Michel Boutet est plus déchirant encore, qu’il nous offre les plus belles chansons (Barcelone, Partie loin) de ce disque. Et d’autres chansons qui se mêlent des affaires publiques, comme La manouf pour tiss, à peine brûlot plutôt photo, esquisse vite faite bien faite d’un tas de haineux qui défilent, aux idées d’un autre âge, réacs et pire encore.
Michel Boutet, c’est comme toujours un concentré d’humanité à lui seul. Qu’on retrouve en cette Staline valse : « Un gars qu’on appelait Staline / Qui trouvait ça rigolo / La vie tue c’qu’elle imagine / Elle en fait même un peu trop. » Ou par La p’tite italienne, à Francesca Solleville dédiée.
Disque écrit pour deux tiers par Michel Boutet, l’autre par Cyril C. Sarot, auvergnat chanté aussi par, entre autres, Coline Malice, Émile Sanchis, Jann Halexander, Sébastien Guerrier et Clément Bertrand. Belle écriture (Tout s’mérite, Mes copains de caboche…) que la sienne qui ne dépare pas, loin s’en faut, de celle de Boutet : il y a séduisant cousinage.
Bel équipe aussi, sur ce fleuve, de musiciens et choristes qui accompagnent les mots comme d’élégants, efficaces et discrets rameurs, parmi lesquels on retrouve la fidèle Delphine Coutant au violon, on découvre Jean-Pierre Niobé aux chœurs et aux notes.
Michel KEMPER
François 25 décembre 2014 à 11 h 20 min
« En accord complet avec Michel Kemper : Michel Boutet est un homme de grand talent, une plume rare, un concentré d’humanisme, de disponibilité et de modestie que l’on aimerait voir plus souvent sur scène où son charisme fait merveille : les gens qui l’ont entendu une fois ne l’oublient plus… »
Danièle Sala 26 décembre 2014 à 0 h 03 min
« D’accord aussi avec tout ce qui est dit , et on l’aime pour tout ce qu’il est Michel Boutet , un chanteur poète qui bouleverse et qui bouscule , un bel humain . »
Marie-Pierre 26 décembre 2014 à 22 h 51 min
« 1 000 fois d’accord ! Ce disque est très beau, à écouter d’urgence pour terminer l’année en beauté ! (mais ceux qui auront du retard commenceront 2015 en beauté, ça peut être bien aussi.)
À la première écoute, découverte des textes, simples et poétiques à la fois. À la seconde, découverte des arrangements, tellement beaux qu’on a envie de les avoir sans la voix en fin d’album. Je ne sais pas ce que me réserve la 3e écoute…
À noter aussi, très beau livret, avec des photos magnifiques.
Alors, si les chansons de Michel Boutet sont mélancoliques, c’est de la bien belle mélancolie à écouter… »